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Retour de Buenos Aires

Superbe voyage, belle ambiance, groupe sympa, visites intéressantes, et découverte d’une bonne variété de milongas avec cependant un accent mis sur les milongas traditionnelles.

Après un retour à la vie normale,  je voudrais vous  faire part de mes impressions

Cette note fait suite à un voyage organisé par Milonguero Tango Trip to Buenos Aires du 24 Février au 10 Mars 2016.

Superbe voyage, belle ambiance, groupe sympa, visites intéressantes, et découverte d’une bonne variété de milongas avec cependant un accent mis sur les milongas traditionnelles.

Après un retour à la vie normale,  je voudrais vous  faire part de mes impressions, non pas sur le voyage lui-même (les photos et les commentaires publiés sur le site ci-dessus sont assez éloquents) mais sur le comportement des argentins dans les milongas.

Un petit chrono de quelques évènements, qui sera suivi par une synthèse.

24 Février : Première milonga à BA. Obelisco Tango. Débute en fin d’après midi.

2 camps hommes et femmes bien séparés + 2 groupes mixtes. Respect scrupuleux des alignements (y compris des tables et des chaises). On a une table bien désignée. Les gens se connaissent, ce sont des habitués pour la plupart. On parle beaucoup entre chaque morceau de musique, beaucoup plus longtemps qu’en Europe (j’ai mesuré, parfois jusqu’à 1 minute de blabla, pour faire connaissance avec son/sa partenaire). L’ambiance est sympa, décontractée, sans chichi. Jour d’anniversaire (je n’ai pas compris de qui…) Mais gâteau et verre de boisson à bulles pour tous !!

25 Février : Soirée milonga au LUJOS – très proche de l’hôtel, nous y allons à pieds. Plus classique, respect rigoureux des règles et surtout le placement dans la salle est imposé. On va voir pourquoi ! Les nouveaux venus ont les plus mauvaises places. Les femmes du groupe sont installées au fond, en 3eme rang dans un coin. Les hommes (nous sommes trois) ont un traitement identique. Personnellement je me trouve avec une chaise occupée juste devant moi (à quelques centimètres). Pas facile pour faire des miradas. A gauche un mur avec uniquement des hommes assis derrières des petites tables. Ils sont bien placés pour jeter des regards et inviter à droite et à gauche. Pour nous les regards doivent traverser la salle ! Pas de vision sur les côtés. Les rares femmes assises sur notre rangée ne nous regardent pas. Heureusement nous pouvons inviter les femmes du groupe sans cérémonie (sans besoin de faire des miradas éloignées). Interdiction formelle de changer de place et de se lever pour inviter. Les argentins habitués sont les maîtres, ils invitent comme ils veulent. En début de milonga nous avons, comme la courtoisie l’exige, invité toutes les femmes du groupe afin de les faire connaître à l’ensemble des tangueros. En même temps les autres femmes pouvaient juger notre façon de danser.

26 Février : Plaza Bohemia Tango. Ambiance très différente dans cette « petite » salle. On est beaucoup mieux placés. Les clients semblent moins à chichi. Les tenues sont cependant assez recherchées – costumes cravates pour les vieux tangueros, robes rétro pour certaines femmes. Mais tout cela fait partie du « décor » et contribue à créer une ambiance très « spectacle » et bon enfant. Ici les gens s’amusent vraiment, c’est la joie de vivre qui domine, dans certaines retrouvailles des habitués, et les chants des vieux tangueros (video soliste de charme au milieu de la piste) figures emblématiques d’une époque qui se termine… On a parfois l’impression d’être dans un film caricatural sur le tango, avec ces personnages anciens et sapés. Mais tout cela a beaucoup de charme.

27 Février : Retour à Obelisco pour cette fois une milonga organisée par Cachirulo. Très classique. L’attention est tout de suite attirée par un groupe de Portenos assis tous autour d’une grande table au bord de la piste. Ils font la fête entre eux (environ une dizaine d’hommes et 2 ou 3 femmes assises en bout de table). Les autres argentines sont assises à des tables séparées et bénéficient de temps en temps des « faveurs » de ces hommes qui sont les maîtres des lieux, rient avec joie lorsqu’ils retrouvent l’un des leurs, se lèvent de table sans discrétion et regardent alentour pour choisir leur proie parmi les argentines ou bien parfois une étrangère qui n’attend que cette attention pour se sentir heureuse de partager une tenda avec un de ces caïds et rois du tango milonguero.

28 Février : Nous retournons au Lujos. Encore plus difficile. Nous sommes en deuxième rangée, derrière une table mais aussi derrière une première rangée bien serrée de tangueros assis eux aussi derrière une table. Ajoutez la piste et la distance, il est quasiment impossible d’inviter les tangueras qui sont à l’autre bout de la salle. Celles installées sur le côté ne daignent même pas regarder de notre côté (de toute façon il faut se contorsionner pour voir quelque chose). Cela s’applique également aux femmes de notre groupe, sur la même rangée que moi, dans un coin, invisibles… Nous partons vers minuit et demi, écœurés. Nota : pendant que j’y voyais encore quelque chose – avant l’arrivée des autres tangueros assis devant moi – j’ai réussi à inviter 2 femmes étrangères comme nous, assises en retrait également, et 1 argentine qui a dû avoir un moment de faiblesse ou un problème de vision… Sinon les danseurs / danseuses sont excellents. Le but de cette sortie était de nous montrer, une fois de plus, comment se déroule une milonga classique traditionnelle. C’est vu.

29 Février : Salon Canning

Une milonga très différente encore ce soir. Dans un bel espace, grande salle avec beaucoup de tables, aéré, on peut de déplacer. En restant un moment au bar j’ai pu inviter quelques tangueras. Belle musique, classique. Nous écoutons avec plaisir un chanteur accompagné d’un guitariste. Et en prime nous avons droit à une démo !

1 Mars : Retour à El Beso Milonga Cachirulo, again.

Nous sommes tassés comme des sardines dans une boîte. Les places sont imposées. Nous sommes tous, hommes et femmes du groupe alignés contre un mur. Les chaises se touchent, devant nous des petites tables rondes espacées par une chaise elle-même occupée par une personne qui nous tourne le dos et empêche tout passage. Pris au piège ! Encore plus devant, un mur continu de dos d’hommes bien rangés serrés ! Plus loin encore la piste avec des côtés rangées de femmes allignées. Les hommes sont en face dans la même disposition. C’est la pire situation jamais vue. De plus il n’est pas recommandé d’être assis à côté d’une femme car cela veut dire qu’elle est accompagnée et limite du coup sérieusement ses chances d’invitations, et je me trouve assis entre deux femmes du groupe. Je décide de partir. Elles auront quelques chances d’être invitées (peut être) et quant à moi je n’ai aucune possibilité dans ces conditions de faire des miradas.

2 Mars : Retour à Obelisco pour une milonga du mercredi qui est différente de celle du 27 qui était trop formelle. Bonne disposition dans la salle qui permet d’inviter et d’être invitées, pour les filles, qui commencent à être connues. Le fait de retourner plusieurs fois aux mêmes endroits permet d’être reconnus, et nous finissons pour croiser des regards et parfois même des sourires…

3 Mars : Soirée au Besos pour une milonga moins formelle. Ou bien est ce que je m’habitue à ce régime ? peut être… Nous sommes dans une rangée moins tassée. Pas très loin du bar où j’arrive à faire quelques séjours prolongés et j’invite quelques étrangères. Nous partons assez tôt, et notre petit sous groupe part découvrir un autre endroit – Le Club Grisel.  Une grande salle, ambiance beaucoup moins formelle. Pendant 5 bonnes minutes un animateur s’accroche à son micro et tire des numéros pour gagner je ne sais quoi. Nous partons assez vite. Finalement je m’aperçois que l’ambiance formelle des milongas classiques s’imprègne de plus en plus en moi…et malgré les inconvénients du positionnement imposé et les difficultés d’invitations, c’est la qualité de la musique et des danseurs (même si je passe beaucoup de temps à regarder plutôt qu’à danser) qui prédomine.

Les autres jours les milongas se suivent mais sont parfois différentes par leur ambiance, la position dans la salle, la population plus ou moins jeune. Nous avons testé des milongas traditionnelles mais il en existe beaucoup d’autres qui peuvent ressembler à nos milongas européennes. Cependant la séparation homme/femme est toujours respectée (ce que l’on retrouve dans nos « encuentros »).

Conclusion – Synthèse de mes impressions.

Les bons vieux danseurs argentins sont encore nombreux à pratiquer leur art. En fait ils font assez peu de figures mais ils savent transmettre une agréable sensations à travers une excellente connexion, ce que les femmes adorent. Les femmes argentines sont à la recherche d’excellents danseurs, qu’elles trouvent bien évidemment chez leurs compatriotes argentins mais aussi chez quelques étrangers. Si vous êtes un homme étranger, de qualité de danse moyenne, vous avez très peu de chance d’intéresser une argentine. Les argentines sont assises aux premiers rangs (toutes les femmes sauf rares exceptions sont regroupées sur 2 ou 3 rangs. Les hommes également de leur côté. La première rangée de femmes est réservée aux excellentes danseuses. Inutile de tenter une invitation. De toute façon elles ne regardent pas dans ma direction…Je n’existe pas. Je peux seulement tenter d’inviter les 2e et 3e rangs. Souvent ce sont des étrangères. Quand par hasard (elles ont dû avoir un problème de vision ce jour là !) j’ai réussi à danser avec une argentine, le contact a été très agréable. A ce moment j’ai regretté de ne pas avoir assez travaillé mon Espagnol, ce qui aurait bien occupé la minute destinée aux discussions, entre chaque danse…

Les tangueros argentins qui ont parfois plusieurs dizaines d’années de pratique utilisent donc très peu de figures et suivent à la perfection les nuances de la musique. Ils vont parfois se lever de leur table, d’où ils étaient installés avec plusieurs copains, souvent bruyamment, et d’un geste tendu vers une tanguera (parfois après avoir fait quelques pas vers elle) vont inviter parfois une argentine, parfois une étrangère, précédemment repérée dans la salle. Pas question pour eux de respecter les règles de mirada/cabeceo imposées aux autres. Il faut savoir que ces hommes (pour la plupart) sont âgés et très sûrs d’eux même. La gente féminine argentine, et étrangère, semble apprécier, non pas l’individu mais l’extraordinaire façon de danser de ces Portenos.

Après les premières journées de découverte, ce jeu de rôle devient naturel. Nous goûtons pleinement les dernières milongas, les sensations extraordinaires (d’après certaines tangueras), en sachant que nous allons bientôt retourner à la vie normale. L’Argentine a un petit côté nostalgique qui crée un pincement au coeur et qui donne envie de revenir.

A bientôt Buenos Aires…

Claude Gosselin

Commentaires de la publication précédente:

Merci Claude pour ce retour de « premier voyage à BsAs ».

Cela m’a replongé dans mon vécu de 2007 que le temps et les voyages répétés avaient effacé.

Ce que je ne comprends c’est la raison pour laquelle votre organisateur vous a amenés au Beso (specialement la milonga « Lujos » que je déconseille vivement) de manière aussi récurrente alors que c’est la salle la plus difficile pour les danseurs et danseuses qui ne sont pas connus et souvent manquent d’expérience locale. Personnellement je trouve que le traitement fait aux danseurs et danseuses de passage est à la limite de l’incorrection et je n’y vais plus depuis 5 ans au moins (Porteño y Ballerin, dans la même rue, à 2 cuadras est bien plus agréable et reçoit parfois des orchestres, comme le Sexteto Milongero, ce qui n’est pas rien).

Il y a bien d’autres milongas traditionnelles, plus confortables et plus ouvertes, à découvrir mais c’est vrai que la première expérience est difficile, à mon avis surtout pour les danseuses qui éprouvent de la réticence à regarder franchement les danseurs dans les yeux.

Courage, rien d’impossible, et le plaisir de l’abrazo portègne, dans la simplicité de la danse, sera au rendez-vous.

Christian

Merci Claude pour ton article fidèle de ton voyage, article soigné et précis et si bien illustré…Je suis surprise de l’esprit « folklorique » et surtout machistement policé de ces milongas… Je préfère de loin les milongas toulousaines où je peux danser avec des partenaires gentils, agréables, qui aiment la musique, le tango et les femmes! Même si ce ne sont pas tous (certains oui!!) des maestros ou des caïds, j’y prends beaucoup de plaisir et je crois que je n’ai pas envie des sensations extraordinaires de Buenos aires! Amicalement, Eloïse
OUHLALA Claude, ça ne me donne pas envie d’aller en Argentine ton petit compte rendu.Déjà, ce n’était pas mon intention avec les quelques retours que j’avais eu d’autres voyageurs tangueros et tangueras. Mais là, ça se confirme AAAAHHHHHHH.Faire tous ces km pour tomber sur des rois de la piste imbus d’eux mêmes, pffff, je préfère mille fois danser avec des mecs sympa qui ne se prennent pas la tête.Même pour quelques sensations soi disant inoubliables de certaines, et blablabla… ça, c’est du flan, un gros macho même bon danseur reste un gros macho ridicule 😉 😛 et toc!Même pour des super danseurs, cela reste de la danse et un loisir, il ne faut pas l’oublier « Hombre! »En même temps, ils doivent en avoir marre là bas de ce défilé sans fin des danseurs du monde entier, pourtant cela fait marcher le tourisme non! un peu comme les voyages linguistiques pour nos chères têtes blondes, c’est nul pour les progrès en anglais et coûte une fortune, mais avec ça les gens en redemande.Et bien, cela ressemble un peu à ces voyages organisés pour les tangueros de France et Navarre.Enfin, les argentins auraient tort de se gêner puisque personne ne se décourage.Bon, en même temps, tant qu’ils ne vous mettent pas une claque en arrivant c’est encore supportable, mais il y en a qui aime ça aussi!alors le tourisme tango en Argentine a encore de beaux jours devant lui, »caramba ».

Voici mon récit de mes sorties d’août 2015. Faire un copier/coller

http://tangoencorpsgers.eklablog.com/mes-sorties-a-buenos-aires-aout-2015-a119382594

Comme dit Christian, il y a bien d’autres milongas traditionnelles à visiter et à vivre. Et le vécu, les sensations dépendent aussi, en plus du lieu, de notre état d’être à ce moment là.

J’explique ainsi mes états d’âme avec des frustrations tels que tu le décris Claude et aussi les joies, les rencontres possibles. A un moment donnné, il est plus facile de choisir le lieu qui correspond le mieux à notre besoin. Mais il faut prendre le temps pour cela et accepter de se tromper parfois !

A Buenos Aires, comme ailleurs, il y a les « groupes/famille » de tango qui apprécient de danser entre eux et qui vont s’ouvrir aux autres plus ou moins. De même là-bas ou ici, il y a les tangéros ou tangéras qui sont fort sympathiques ou fort antipathiques !

J’aime aller là-bas car je ressens une proximité du tango avec les musiques, les paroles qu’ils chantent, hommes comme femmes, durant la milonga. L’ambiance des milongas de Buenos Aires vaut le coup d’oeil, le vécu ! Et cela me fait apprécier celles de Toulouse grâce à cette autre dimension !

Cela correspond bien à ce que nous avons vécu en Argentine… Une vieille dame à qui je posais la question sur l’intérêt de la mirada m’a affirmé que dans sa jeunesse cela n’existait pas : les hommes demandaient l’autorisation aux parents d’inviter leur fille ! Après, il valait mieux ne danser qu’avec le mari car le tango est une source de séparation. Impossible de lui faire dire que cela laissait la liberté de refuser à la femme par exemple. Donc cette pratique actuelle mirada/cabeceo semble assez récente selon cette vieille tanguera estimable dont l’entreprise familiale n’est autre que la fabrique de chaussures de tango Flabella.

Ce que nous relate Dominique correspond davantage à ce qui se passait dans les « Clubs Sociaux », à la fois culturels et sportifs, où une soirée repas-milonga était généralement organisée chaque samedi soir ou un samedi par mois, selon le cas.

Beaucoup de familles et de groupes d’amis venaient là pour partager un moment convivial (tradition bien argentine) plus que pour danser.

Ambiance que l’on peut retrouver par exemple lors de certaines soirées du Club Bohemios à La Boca (oui, oui, on peut y aller le soir sans se faire égorger contrariement à ce que disent encore les guides touristiques) !

Personnellement j’y ai invité des dames fières de leurs 80 ou 90 ans et je peux vous assurer que je n’ai pas demandé l’accord de leurs parents. Un sourire a suffi à sceller notre accord.

Claude, thanks for writing this commentary about your personal experiences of your first trip to BsAs. I agree with some of the comments above, that for first-timers (like me), who are not used to the way things work on the dance floors of BsAs, it can be a bit daunting, and takes some getting used to. However, it has also been my observation that towards the end of the trip, I felt a bit more at-ease than when we just arrived. I think two weeks is too short to get a complete experience, and I am speculating that if one has the will, time and means to stay longer and visit frequently to BsAs, then his/her experience will keep getting better. In my two weeks, I have experienced some great milongas & connections and some not-so-great milongas; Met some very friendly & polite people & organizers and few not-so-polite people/organizers; Made many observations & musings, both positive and otherwise. But overall, those two weeks have been a wonderful and memorable introduction to tango in BsAs, and I know there is more to be discovered & experienced. I have a feeling that I will be going there again sometime in the future. Now, if I can find that Rosetta Stone CD for learning Spanish.. 🙂