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Sur le thème d’un tableau de Édward Hopper

Son regard balayait le fond du jardin, jusqu’à la grande grille en fer forgé qui marque l’entrée de leur propriété. Un peu pompeuse cette grille, c’est son mari qui l’avait choisie, son désir de château certainement… Et surtout sa mère, très bourgeoise, qui avait dû le pousser dans ce sens. La taille de la propriété n’est pas en rapport, mais cela impressionne toujours le visiteur. Encore une idée de son mari…

Mais ce n’était pas cette fameuse grille qui l’amenait à scruter avec autant d’insistance depuis le début de la matinée, elle espérait, elle guettait. Son mari était parti très tôt, elle était donc libre… Elle attendait… Debout depuis presque deux heures maintenant, légèrement appuyée sur le bord de la fenêtre, elle aurait dû être fatiguée, mais non, elle endurait cette position inconfortable, et laissait vagabonder son esprit, son imagination… Mais que fait-il ? Il s’est passé quelque chose… On avait pourtant dit en début de matinée ?… D’habitude plutôt du genre patiente, apte à se résigner même, toujours prête à trouver une bonne excuse pour justifier le retard des autres… Elle était complètement transformée, elle vivait une situation très nouvelle pour elle, elle était impatiente, limite début de mauvaise humeur. Le téléphone se mit à sonner à l’autre bout de la pièce, elle se décida à aller voir…

C’est peut-être lui !… Pleine d’espoir, elle laissa sa position d’observatrice… Non, un numéro non identifié… Elle préféra ne pas décrocher, c’est toujours une perte de temps… et elle revint rapidement se poster calée derrière la fenêtre entrouverte.

Ces quelques pas dans la pièce lui avaient fait du bien, elle commençait à s’ankyloser… Mais elle sentit que cette situation ne pouvait plus durer, pourquoi avait-elle accepté sa proposition? Les conditions étaient réunies certainement… et il y avait quand même urgence…

Et c’est alors qu’elle le vit, d’abord le toit blanc derrière les arbustes, et enfin un camping car, ça ne pouvait être que lui. Ils allaient enfin pouvoir partir et profiter de ce week end tango dont elle rêvait depuis si longtemps … Elle se détendit et alla lui ouvrir la porte…

Claude Gosselin

3 réponses sur « Sur le thème d’un tableau de Édward Hopper »

Cher Claude, comme je reconnais là ton talent d’écriture et de lecture… D’un texte d’Edward Hopper décrivant l’environnement d’une bourgeoise qui s’ennuie… tu passes habilement à l’arrivée séduisante d’un tanguero en camping-car… Fallait oser ! Et ça marche !

Joli !
L’ennui source de rêverie, et d’espérance.
Le camping car serait-il le nouveau destrier du chevalier ?

A ma connaissance Ed Hopper n’écrivait rien au sujet de ses tableaux, il laissait à chacun la possibilité d’imaginer une histoire correspondant à la situation peinte. Ce texte est le résultat d’un exercice à l’atelier d’écriture où chacun devait choisir un tableau de Hopper et construire une histoire. Et j’ai changé récemment la fin de mon premier texte pour l’adapter … au tango!!

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