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Un conte de Noël

Les invités continuaient à arriver au manoir « La Milonga ». C’était la première année que ce genre de soirée était organisé par sa locataire actuelle, une chanteuse bien connue en argentine pour ses spectacles donnés à B.A. De retour en France elle avait contacté ses anciens amis passionnés de tango argentin, pour célébrer son retour en grande pompe.

Les invitations avaient été envoyées largement, par l’intermédiaire d’un site d’amis du tango, et avaient touché aussi bien les anciens, qui s’étaient réjouis de cette occasion de retrouver leur « vieille » amie tanguera, que quelques nouveaux aficionados du tango argentin, sortis du moule depuis quelques années, et même pour certaines tangueras depuis quelques mois seulement. Une bonne occasion pour tester son niveau de pratique en « live » et son pouvoir d’attraction sur les hommes …

Les invités se présentaient dans le hall d’entrée, certains arrivaient en couples, et beaucoup étaient des groupes d’amis. Une majorité était des femmes.

Ce phénomène ne cessait de s’accentuer depuis quelques années, et les milongas étaient fréquentées par de plus en plus de femmes, intéressées apparemment plus que les hommes par cette danse magique qui réussit à associer une telle diversité dans l’expression du corps, en harmonie avec autant de musiques, et la sensualité du contact avec le partenaire. C’était également l’occasion de s’habiller, de porter sa dernière acquisition, vêtements ou chaussures.

La salle se remplissait, les tables étaient déjà toutes occupées, les bénévoles derrière le bar ne savaient déjà plus où donner de la tête…

Le DJ avait passé ses premières tandas, plutôt traditionnelles, comme d’hab, pour plaire à tout le monde en ce début de soirée. Beaucoup de couples avaient envahi la piste et la circulation devenait aussi difficile que sur le périphérique après 18 heures. Le piétinement s’était imposé.

Mais cela faisait partie du jeu et tout le monde s’en accommodait.

Un rapide regard sur les tables montrait quelques rares couples en train de discuter et de se reposer.

Des hommes commençaient à s’aligner devant l’entrée et devant le buffet. Le bar était également envahi par une majorité d’hommes qui gardaient leurs regards dirigés vers la salle et semblaient échanger quelques rares paroles avec leurs voisins.

C’est alors que l’organisatrice de la soirée prit le micro pour remercier tous les invités et présenter les couples de maestros qui allaient bientôt évoluer devant nos yeux.

Depuis quelques temps déjà l’habitude était prise de réserver une ou deux tendas pour « l’opération écharpe blanche » qui donnait l’occasion aux femmes d’aller inviter à leur tour. Cette pratique de l’invitation par les femmes était encore assez peu développée dans le domaine du tango argentin où, il faut bien le dire, les traditions étaient encore bien marquées, certains allant même jusqu’à dire qu’il fallait « dépoussiérer » et vivre un tango du 21ème siècle, en harmonie avec les nouveaux rapports existant enter les femmes et les hommes.

L’animatrice avait succombé à la demande pressante et accepté de chanter, accompagnée par un guitariste de ses amis.

Sa dernière chanson fut un chant traditionnel de Noël. Ce qui nous rappela que nous étions le 24 Décembre !

Avant de redonner la main au DJ elle eut ce petit discours :

« Ce soir, compte tenu de l’exceptionnel surnombre de cavaliers, je propose que les femmes soient autorisées, pendant les deux prochaines tandas, à refuser les invitations, autant qu’elles le souhaitent, sans avoir à donner de raisons! »

Claude Gosselin